Par Marie Santerre-Baillargeon, doctorante en psychologie et interne à la Clinique Laval
Bien qu’ils restent souvent méconnus, les problèmes de douleur durant les relations sexuelles chez les femmes et les adolescentes sont fréquents. Ils affecteraient de 8 à 20 % d’entre elles, et les plus touchées seraient les femmes de moins de trente ans. L’intensité de la douleur varie d’une femme à l’autre : elle peut aller d’un simple inconfort à une douleur intolérable rendant impossible la pénétration vaginale. La douleur peut être ressentie à l’entrée du vagin, sur les parois vaginales ou encore au niveau abdominal (utérus et col). Ces douleurs ont des conséquences négatives multiples – physiques, psychologiques, sexuelles et relationnelles – et hypothèquent donc grandement la qualité de vie des femmes qui en souffrent.
La source la plus fréquente de ces douleurs est la vestibulodynie provoquée (VP). La VP est caractérisée par une sensation de brûlure ou de déchirure à l’entrée du vagin lors d’une tentative de pénétration vaginale. La douleur peut aussi être provoquée dans d’autres contextes, par exemple lors de l’insertion d’un tampon.
Les femmes touchées par ce problème cherchent naturellement à comprendre ce qui cause les douleurs qu’elles ressentent. Malheureusement, les causes exactes de la VP restent méconnues. Néanmoins, la recherche a permis d’identifier plusieurs facteurs de risques d’ordre psychologique et physique qui seraient associés au développement de cette problématique. Les études permettent ainsi de comprendre qu’il n’y a pas une seule cause à la douleur et que plusieurs facteurs sont impliqués. Puisque ces facteurs ne seront pas les mêmes d’une femme à l’autre, plusieurs trajectoires différentes peuvent ainsi mener au développement de la VP. Jusqu’à présent, les facteurs physiologiques identifiés sont les infections vaginales et urinaires répétées, les réactions allergiques, les facteurs hormonaux tels que la prise de contraceptifs hormonaux et l’âge précoce des premières menstruations, l’hérédité, et les traitements médicaux comme les crèmes vaginales et les antibiotiques oraux. L’anxiété, les symptômes dépressifs, la peur de la douleur et l’hypervigilance ont été soulevés comme étant des facteurs de risques psychologiques possiblement en lien avec l’émergence de cette difficulté. À ce sujet, il faut garder en tête que le problème n’est pas uniquement psychologique et que des facteurs physiques sont aussi impliqués.
Par ailleurs, la douleur gynécologique survient dans un contexte particulièrement intime qu’il faut considérer pour bien comprendre cette problématique. En effet, la VP a des conséquences non seulement pour les femmes qui en souffrent, mais aussi pour les partenaires et leur relation de couple. À long terme, la douleur peut engendrer des conflits conjugaux, de l’insatisfaction sexuelle chez les deux membres du couple, un sentiment de pression pour avoir des relations sexuelles de même qu’une peur de perdre son partenaire chez la femme. Les partenaires rapportent souvent un sentiment d’impuissance et de la culpabilité face à la douleur. De plus, plusieurs études démontrent que la manière dont répond le partenaire à la douleur peut influencer l’intensité et le maintien de celle-ci. Bien sûr, ces réactions du partenaire ne causent pas la douleur, bien qu’elles puissent influencer son intensité. Le fait de réagir à la douleur en tentant de trouver des solutions permettant de s’y adapter permettrait à la fois une diminution de l’intensité de la douleur et une augmentation de la satisfaction sexuelle. Le fait de démontrer uniquement de la sympathie n’aurait pas les mêmes bénéfices, puisqu’une telle réponse ne favoriserait pas nécessairement l’adaptation à la douleur et pourrait même engendrer l’évitement de la sexualité. Enfin, le fait de répondre à la douleur avec colère aurait des conséquences négatives sur la douleur et la sexualité, et ce pour les deux membres du couple.
Bien qu’il n’y ait pas de recette infaillible pour faire face à cette problématique, les études auprès de couples dont la femme souffre de douleur durant les relations sexuelles nous informent sur les façons les plus aidantes de faire face à la douleur. Le défi pour le couple est de trouver leur propre manière d’avoir une sexualité riche et épanouissante, malgré le fait que la pénétration soit douloureuse. Pour ce faire, mettre l’emphase sur les multiples autres aspects de la sexualité peut être très aidant. Par exemple, cela pourrait être de pratiquer d’autres activités sexuelles que la pénétration (stimulation orale ou manuelle, massage, caresses, etc.). Il est fortement recommandé d’éviter l’élimination de toute vie sexuelle dans la relation de couple, ce qui pourrait amplifier les conséquences négatives de la douleur. La communication au sein du couple peut aussi aider, et il est recommandé de ne pas éviter ce sujet. Le fait de discuter ouvertement de la douleur et de ses répercussions peut aider le couple à se sentir plus comme une équipe pour faire face à la douleur et à trouver sa propre façon de s’y adapter afin de diminuer les répercussions négatives sur chacun.
Quoi faire en cas de douleur génitale ?
Il est très important de ne pas rester seuls avec cette difficulté et les conséquences négatives qui en découlent. La première chose à faire en cas de douleur durant les relations sexuelles est de consulter un médecin. Il existe plusieurs médecins spécialisés dans ce domaine qui sont en mesure de poser le diagnostic approprié. Plusieurs affections médicales, autres que la VP, sont susceptibles de provoquer de la douleur durant les relations sexuelles. Il importe donc de connaître dès que possible ce qui occasionne la douleur afin d’être orientée immédiatement vers le traitement approprié, que ce soit au niveau médical ou psychologique.